Cuisinier officiel de la Maison Blanche de 1961 à 1965, alors que John Fitzgerald Kennedy puis Lyndon Johnson se succédaient dans le bureau ovale, René Verdon est décédé en 2011 à l’âge de 86 ans.
De tous les grands chefs français qui se sont installés aux Etats-Unis, il est peut-être celui qui a définitivement changé le regard porté par les Américains sur la cuisine française.
Femme de goût, c’est Jacqueline Kennedy elle-même qui avait recruté ce chef français en 1961. Jusqu’alors personne ne se souciait vraiment de gastronomie à la Maison Blanche et il a fallu beaucoup de patience au restaurateur nantais pour convertir JFK à une alimentation saine et équilibrée. Pendant quatre ans, de 1961 à 1965, et sous deux présidents différents, il va officier en cuisine. Pour Laurence Leamer, biographe des Kennedy, les plats raffinés de René Verdon ont eu un vrai impact culturel sur les Etats-Unis.
.
De la Vendée à New York
René Verdon est né le 29 Juin 1924, à Pouzauges, un village de Vendée. Sa famille possédait une boulangerie/pâtisserie, et pour surpasser ses deux frères aînés – l’un boulanger, l’autre pâtissier – il décida de devenir un chef.
Il a commencé son apprentissage à 13 ans à Nantes et a continué sa formation au Berkeley ainsi que dans d’autres restaurants à Paris et à l’Hôtel Normandy à Deauville. Après avoir travaillé à bord du paquebot Le Liberté, il a émigré aux États-Unis en 1958. A New York, il a travaillé à l’Essex House et à l’Hôtel Carlyle, où la famille Kennedy séjournait régulièrement.
M. Verdon a été recommandé à Mme Kennedy par Roger Fessaguet, le chef de La Caravelle à Manhattan, et ses partenaires. Le restaurant était un fdes préférés de la famille Kennedy, et Jacky Kennedy engagea M. Verdon temporairement pour gérer l’assaut des déjeuners et des dîners officiels pour les visiteurs étrangers après l’inauguration en Janvier 1961. Au final il sera embauché de façon permanente – à un salaire de 10.000 dollars par an plus chambre et pension – quelques mois plus tard.
A la Maison Blanche
«Chaque fois que nous nous asseyons pour le dîner, maintenant en Amérique nous devrions remercier ce chef. Le raffinement d’une partie de notre cuisine fait partie de son héritage». Jacky Kennedy
Jackie – devenue l’épouse d’Aristote Onassis en 1968 – n’a jamais oublié le goût de la cuisine du chef. Ainsi, après l’ouverture de Le Trianon, à San Francisco, sur O’Farrell Street, en 1972, elle envoyait un télégramme de félicitation à son ancien cuisinier.
Pourtant à ses débuts, René Verdon a choqué les Américains plutôt habitués aux légumes en conserve, en cultivant ses propres légumes sur le toit de la Maison Blanche et a bousculé le paysagiste officiel en lui demandant de planter des herbes aromatiques dans les plates-bandes de l’East Garden.
Son premier repas officiel à la Maison Blanche, un déjeuner pour le premier ministre Harold Macmillan de la Grande-Bretagne et 16 invités le 5 Avril 1961, annonça le ton : truite au Chablis et sauce Vincent, filet de boeuf au jus et fonds d’artichauts Beaucaire, et un dessert, qu’il surnomma le Désir d’avril, une coque de meringue remplie de framboises et chocolat. Le message était clair: assister à un repas à la Maison Blanche ne serait plus désormais une mission pénible.
La « chute de la France » est arrivée brusquement à la Maison Blanche. Sous Lyndon B. Johnson , un « Food Coordinator » Texans est engagé pour réduire les coûts dans la cuisine de l’institution. Charge à René Verdon d’utiliser des légumes surgelés et, afin de s’adapter aux goûts simples des Johnsons, de préparer, entre autres délices, une purée de haricots de pois chiche froid- un plat qu’il jugeait lui-même comme étant horrible – même chaude.
« The Johnsons aimaient avoir certains aliments, mais je pense que les personnes invitées à la Maison Blanche ne s’attendent pas à manger des hamburgers, ou du chili con queso « . René Verdon au NY Times en 1985.
Il démissionne de son poste à la fin de 1965 et a prend un travail de démonstration des appareils de cuisine pour Hamilton Beach avant de déménager en Californie et d’ouvrir Le Trianon, l’un des restaurants français les plus plébiscités de San Francisco dans les années 1970 et 1980.
De 1972 à 1987, René Verdon et son épouse Yvette Marie, ancienne directrice de la maison Chanel qu’il avait rencontrée sur un plateau télévisé en 1969, feront les grandes heures de la cuisine française sur la Côte Ouest des Etats-Unis. Le Consulat français à San Francisco a d’ailleurs rendu hommage à René Verdon sur son site officiel et a tenu à «saluer la mémoire de ce grand ambassadeur de la cuisine et des arts français».